L’article [LIRE] “La mort ou la fuite pour les chrétiens de Mossoul: silence médiatique et absence de prières pour les persécutés” (20/07/2014, bien avant que ce silence soit en partie médiatiquement brisé) mentionnait la déficience de mentions des persécutions (peur d’amalgames, de stigmatisation ?) dans le cadre des “intentions de prières” énoncées lors des messes de nos églises de France, source de douloureuses interrogations. En effet, les intentions de prières sont nombreuses, mais restent liées à des notions abstraites pour la plupart des fidèles: la paix, la justice, l’entente entre les peuples, le racisme, les droits des sans papiers, l’accueil, etc. Parfois on parle même de prières pour les persécutés (lesquels ??), mais les faits concrets de persécutions, leur nature, leur origine, sont absents. Il ne faut surtout pas dire qu’il s’agit de chrétiens (peur d’amalgame ?). On oublie ainsi ces passages du Nouveau Testament:

– “Pierre était gardé en prison tandis que l’Église priait Dieu pour lui ardemment” (Actes 12; 5).

– “Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez dans les liens avec eux, de ceux qui sont maltraités, vous aussi qui avez un corps.” (Hébreux 13:3).

Pourtant le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens, déclarait à L’Osservatore Romano du 19 juillet 2014: « On estime que 80% des personnes persécutées sont chrétiennes, et je crois que nous sommes trop silencieux ». Ceci après avoir dit : “Nous devons être plus courageux dans le fait de dénoncer les persécutions contre les chrétiens, parce qu’aujourd’hui nous assistons à plus de persécutions que durant les premiers siècles du christianisme“.

L’article du 20/07/20014 évoquait en particulier les chrétiens torturés, massacrés, crucifiés, les jeunes filles enlevées, violées, le sort d’Asia Bibi mère de 5 enfants, celui des 260 jeunes filles enlevées au Nigéria, pour lesquelles on cache qu’elles sont chrétiennes. Il évoquait aussi le sort de Myriam Yahya Ibrahim, catholique, maman d’un enfant de 20 mois, condamnée à mort au Soudan pour apostasie (car de père musulman), et à recevoir 100 coups de fouet pour adultère (elle a épousé un chrétien). Information rare, le site d’un secteur pastoral de Bordeaux (CF.) donnait des détails sur son calvaire, lors de l’accouchement de son second enfant, née le 27 mai dernier, en prison : “Meriam a dû accoucher enchaînée, ce qui n’a pas été sans dommage pour l’enfant : « Ma fille est handicapée parce qu’on m’a obligé à accoucher avec mes chaînes », raconte-t-elle. Elle ajoute: « Je n’avais pas de menottes mais j’avais des chaînes aux jambes“. Grace à la pression internationale elle a pu quitter le Soudan. L’excellent blog de Jeanne Smits donne la traduction de l’émouvante interview de cet héroïque témoin de la foi [LIRE] accordée à “Fox News”, avec une VIDEO résumant les faits. Avec ces milliers de chrétiens d’Irak qui préfèrent la perte de tous leurs biens, l’insécurité d’une longue fuite dans le désert, plutôt que de renier leur foi, nous sommes en présence de témoignages qui nous interrogent sur le niveau de notre foi. La page du blog de Jeanne Smits est reproduite ci-dessous.
 

« La foi, c’est la vie. Si vous n’avez pas la foi, vous n’êtes pas vivant. »

 

Myriam Ibrahim, la jeune femme qui a échappé à une sentence de mort au Soudan où elle avait été condamnée pour apostasie et adultère, vit désormais aux Etats-Unis avec son mari, citoyen américain, et ses deux enfants. Sous la pression internationale, une cour d’appel soudanaise s’est vue contrainte de lever la condamnation.

Rappelons qu’en France, c’est Chrétienté-Solidarité, sous l’impulsion de Bernard Antony, qui a organisé une manifestation pour Myriam Ibrahim devant l’ambassade du Soudan, le 26 mai. La seule, semble-t-il.

Myriam Ibrahim a donné sa première interview à Megyn Kelly, de Fox News. L’entretien, diffusé le 15 septembre, est superbe et émouvant. Il est visible ici. Pour les non anglophones, je vous propose ici la traduction de leurs échanges. – J.S.

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– Myriam, c’est magnifique de vous voir ici.

– Je suis heureuse d’être ici avec vous.

– Vous avez été incarcérée alors que vous étiez enceinte de plusieurs mois. Vous aviez déjà un petit garçon d’un peu plus d’un an au moment de votre emprisonnement en janvier 2014. À quoi pensiez-vous dans votre cellule de détenue ?

– La situation était difficile mais j’étais sûre que Dieu resterait à mes côtés. Je ne me suis appuyée que sur ma foi, sûre que Dieu serait là à n’importe quel moment et dans n’importe quelle situation.

– Il n’a fallu que six semaines pour qu’on vous déclare coupable d’apostasie et d’adultère. Vous ont-ils donné la possibilité de renoncer à votre foi chrétienne?

On m’a donné trois jours [*]. En outre, des personnes de l’association des savants de l’islam sont venues me voir dans ma cellule. C’étaient des imams qui m’ont récité des sourates du Coran. Je faisais face à des pressions énormes.

– Mais vous avez refusé. Vous étiez enceinte, vous aviez un petit garçon d’un an qui était avec vous dans la cellule de prison : n’a-t-il pas été très difficile de rester fidèle à votre foi ?

– J’avais pour moi la confiance en Dieu : la foi était ma seule arme au cours de ces confrontations avec les imams, car c’est ce que je crois…

– Pourquoi n’avez-vous pas tout simplement dit ce qu’ils avaient envie d’entendre, pour sauver votre vie ?

– Si je l’avais fait, cela aurait été la même chose que de tout abandonner. Cela n’est pas possible parce que ce n’est pas vrai. C’est mon droit de suivre la religion de mon choix. Je ne suis pas la seule à avoir souffert d’une telle situation : il y a beaucoup de Myriam au Soudan et à travers le monde. Il n’y a pas que moi, je ne suis pas la seule.

– Pensiez-vous qu’ils vous tueraient ?

– La foi, c’est la vie. Si vous n’avez pas la foi, vous n’êtes pas vivant.

– Douze jours après que fut prononcé la sentence de mort, vous avez donné naissance à Maya, en prison. Dites-nous dans quelles conditions cela s’est passé.

– Maya est née dans des circonstances difficiles. Je devais accoucher à l’hôpital mais ma demande a été rejetée. A l’heure où je devais donner naissance ils ont refusé d’enlever les chaînes de mes chevilles et j’ai dû accoucher entravée. Ce fut difficile.

– Quel noir moment cela a dû être. Vous vous trouvez dans cette prison Soudanaise, vous tenez votre nouveau-né dans vos bras, votre petit garçon est là près de vous, vous savez que vous êtes condamnée à mort. Comment avez-vous réussi à faire face?

– C’était une situation très difficile mais j’avais ma foi en Dieu. Je savais qu’Il m’aiderait, qu’Il savait que j’étais victime d’une injustice. C’est mon droit de pratiquer la religion de mon choix.

– Comment voyez-vous ce que le gouvernement des États-Unis a fait pour vous?

– Au départ avant mon incarcération Daniel et moi sommes allés au consulat des États-Unis. Le consul a refusé de nous parler et d’entendre les détails de l’affaire. Cette femme a refusé de s’occuper de nous et nous a dit d’aller voir auprès des Nations unies. Cependant l’ambassadeur Jerry Lanier m’a soutenue et son soutien a vraiment changé ma vie.

– Finalement sous la pression internationale une cour d’appel vous a libérée. Quel effet vous a fait cette nouvelle?

– J’ai ri, j’ai pleuré, j’étais très heureuse.

– A l’aéroport ils ont essayé de vous empêcher de quitter le Soudan mais pour finir vous y êtes parvenue. Vous avez fait route pour l’Italie en compagnie du ministre délégué des affaires étrangères, qui à quelques minutes de l’atterrissage à Rome a envoyé un message : « Mission accomplie. » Puis vous avez rencontré le pape. Cela a du être surréaliste.

– J’étais très heureuse. Je n’ai aucun problème avec personne. Je n’ai commis aucun crime. La seule chose dont je sois coupable, c’est d’avoir voulu vivre ma vie conformément à mes choix.

– Avez-vous été triste de quitter le Soudan, malgré tout?

– Oui, cela était triste car c’est le pays où je suis né. Mon peuple, mes amis, mes voisins sont tous là-bas, et ma vie est profondément enracinée au Soudan. Malgré toutes les souffrances, et toutes les circonstances difficiles – on s’y habitue.

– Parlons de l’islam. Le Soudan est le théâtre régulier de persécutions envers les chrétiens. Elles n’ont rien d’inhabituel. 88 % des filles subissent des mutilations génitales. Quelle est selon vous la dangerosité de l’islam radical?

– Comme je l’ai dit, j’ai mis ma vie dans la balance pour les femmes du Soudan. J’étais très près d’elles et je ressentais leurs souffrances. J’ai partagé avec elles les conditions difficiles de la prison et de la vie en général. En ce qui concerne la situation des chrétiens, c’est un fait bien connu que leur vie est difficile, qu’ils sont persécutés, traités avec dureté. Ils ont peur de se dire chrétiens par crainte de la persécution. Parfois des chrétiens qui se trouvent en prison en raison de difficultés financières s’entendent dire que le gouvernement remboursera leurs dettes s’ils se convertissent à l’Islam. Je n’ai jamais été musulmane. J’ai toujours été chrétienne. Si vous êtes chrétien et que vous vous convertissez à l’islam, cela deviendra difficile de le quitter : si vous le faites vous encourrez la peine de mort.

– Vous vivez désormais aux États-Unis, dans le New Hampshire. Comment cela se passe-t-il?

– Pour l’instant je n’ai pas encore une vie stable. Mais c’est mieux que la prison.

– Merci ! (Rires). Avez-vous encore le sentiment d’être en danger ?

– Oui.

– Comment cela ?

– Parce que j’ai à l’esprit une image très vive de la situation au Soudan.

– Et comment vont vos enfants ici ?

– Mes enfants sont très heureux d’être avec leur père, ensemble, comme une famille.

– Comment voyez-vous l’avenir, Myriam ?

– J’aimerais aider les gens au Soudan, en Soudan, spécialement les femmes et les enfants ; j’aimerais promouvoir la liberté de la religion.

– Et à ceux qui vous considèrent comme une héroïne pour les chrétiens ? Que leur dites-vous?

– Je leur dis: merci pour votre soutien et pour vos prières. Mais j’ai toujours besoin de soutien. J’ai besoin de prières. J’ai besoin du soutien des autres.

– Et vous les aurez. Je vous souhaite tout ce qu’il y a de mieux pour vous et votre famille.

– (Avec un radieux sourire.) Merci. Merci beaucoup.

 

[*]  Note de Notre-Dame de Kabylie.

La loi islamique donne 3 jours à un apostat pour se repentir, et échapper ainsi à la mort. Ainsi l’article 306 de la Constitution de Mauritanie dit:  Chaque Musulman coupable du crime d’apostasie, soit par mot ou par action, sera invité à se repentir sur une période de trois jours. S’il ne se repent pas dans cette limite du temps, il sera condamné à mort comme un apostat et sa propriété sera confisquée par la Trésorerie.

En effet, pour l’islam, l’apostasie est le sommet des crimes, car véritable trahison de l’oumma (la “communauté“, ici au sens de nation). Elle est essentiellement condamnée par deux hadiths (paroles du Prophète).

     – Le premier énonce la sanction : “Celui qui abandonne sa religion islamique, tuez-le.” (Sahih al-Bukhari Volume 4, Livre 52, Numéro 260).

     – Le second prophétise une époque d’amplification de l’apostasie, et précise que tout “fidèle”, se faisant juge et bourreau, aura une récompense dans l’au-delà : “J’ai entendu le prophète dire, “à la fin des temps, apparaîtront des jeunes gens aux idées folles. Ils parleront bien, mais ils sortiront de l’islam comme une flèche sort de son jeu, leur foi ne dépassera pas leur gorge. Ainsi, partout où vous les trouvez, tuez les, il y’aura une récompense pour ceux qui les tueront au jour de la résurrection.” (Sahih al-Bukhari Volume 6, livre 61, Numéro 577).

 Bien que cette sanction ne figure pas explicitement dans le Coran, il faut savoir que ces hadiths jouissent de la plus grande autorité. En effet, parmi les recueils de hadiths, six sont considérés comme authentiques (sahih) chez les sunnites, on les appelle les six sahîh (al-sihah al-sitta), la chaîne des témoins ayant été reconnue comme irréprochable. Avec le Coran et la Sirah (biographie de Mahomet), ces recueils appartiennent aux livres canoniques de l’islam. Deux des six recueils sont considérés comme “excellents“: le sahih d’Al Boukari  et le sahih de Muslim. C’est cette “excellence” du Sahih al-Bukhari qui a permis de faire figurer la sanction de l’apostasie dans la constitution de certains pays musulmans dont, ci-dessus, l’article 306 de la Constitution de Mauritanie.

En outre, en dar al-islam (“terre de la guerre”, i.e. celle des infidèles) l’apostat ne doit pas échapper à la charia. C’est le cas de ce converti saoudien résidant en Nouvelle-Zélande, enlevé à son domicile et transféré en Arabie Saoudite [LIRE]. Il sera, ou a été, invité à se repentir sur une période de trois jours.