Il est né, le divin enfant, jour de fête aujourd’hui sur terre! Il est né, le divin enfant, chantons tous son avènement, avec les anges dans nos campagnes!

Il a été manifesté aux nations de la terre et les mages sont venus l’adorer, alléluia !

Il est étonnant de lire, sous la plume de l’auteur de l’épître aux Hébreux, comme nous l’a proposé la liturgie du 25 décembre, ce passage:

« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par un Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les mondes. Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, lui qui soutient l’univers par sa parole puissante, ayant accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la Majesté dans les hauteurs, devenu d’autant supérieur aux anges que le nom qu’il a reçu en héritage est incomparable au leur. Auquel des anges, en effet, Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ? Et encore : Je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils. Et de nouveau, lorsqu’il introduit le Premier-né dans le monde à venir, il dit : QUE TOUS LES ANGES DE DIEU L’ADORENT. »

Nous avons là, résumés, trois évènements considérables relatifs à Jésus Christ :

1- Le mystère de Sa personne, en tant que Fils unique, et Logos primordial par qui Dieu « fait les mondes ».

2- La Rédemption qu’Il est venu accomplir, ou « la purification des péchés ».

3- Son installation à la droite de « la Majesté dans les hauteurs », qui le rend supérieur aux anges.

C’est sur ce dernier point que nous voudrions porter notre attention : la supériorité du Rédempteur sur les anges.

D’abord la chose nous paraît si évidente qu’il n’y a pas lieu d’épiloguer. Mais l’auteur, qui s’adresse à des Hébreux, et qui en est sûrement un (d’ailleurs la Tradition attribue cette épître à saint Paul), après avoir indiqué qu’il leur est supérieur, renchérit : « Que tous les anges l’adorent. » Et ceci avant de « l’introduire comme Premier-né dans le monde à venir ». Du reste, plus loin (verset 13 et 14), il affirme même : « Et auquel des anges a-t-il jamais dit : Assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je place tes ennemis comme un escabeau sous tes pieds ? Est-ce que tous ne sont pas des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter du salut ? »

Il y a là une sorte de révélation ; Dieu « impose » aux anges, ou « les soumet » à une épreuve, ou plutôt à un service : adorer le Premier-né des hommes.

Remarquons, en effet, que le texte rappelle qu’il y a deux « premiers humains » qui sont nés  de Dieu(1): Adam et Jésus. Si bien que la Tradition et les Pères de l’Eglise, dont saint Augustin, donnent à Jésus le titre de « Nouvel Adam »(2).

Par Adam les hommes sont « introduits » dans le monde, mais pour finir lamentablement et mourir ; tandis que par Jésus Christ nous sommes « introduits » dans le monde à venir en vue d’une vie qui ne finit plus. En héritant d’Adam notre corps charnel, nous héritons en effet du péché qui nous condamne à une mort certaine. Par l’héritage en Jésus Christ, cette « nouvelle naissance » dont Il nous parle dans l’évangile de Jean (3, 5-6), nous héritons en Lui, par Lui et avec Lui de la Vie éternelle. Cela nous donne le statut de « fils de Dieu ». Nous entrons de fait dans le monde angélique, ainsi que nous le dit Jésus en Lc 20, 34-36 :

« Et Jésus leur dit : « Les fils de ce monde-ci prennent femme ou mari ; mais ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari ; aussi bien ne peuvent-ils plus mourir, car ils sont pareils aux anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. »

Voilà pourquoi celui des deux « Adam » que tous les anges « doivent » adorer est, et ne peut être que Jésus Christ.

Voilà aussi pourquoi il y a une « exigence » d’adoration : les hommes entrant dans le monde à venir (pour eux, par pour les anges qui y sont déjà), passant d’un statut inférieur à un statut supérieur, se voient devenir objet d’adoration de la part des anges, dans le meilleur d’entre eux, le Premier-né de la résurrection, Jésus Christ. Ainsi les êtres angéliques, dans la mesure où ils obéissent à cette injonction divine, reconnaissent ce nouveau statut de fils de Dieu aux hommes mortels dont ils avaient la charge(3).

Voyons d’abord d’où l’auteur sacré tire son affirmation ? Des exégètes pensent qu’il y a une allusion au passage de Deutéronome 32,43 : « Cieux exultez avec lui, et que les fils de Dieu l’adorent » ; les fils de Dieu c’est-à-dire les anges (voir dans le même chapitre au verset 8 : « Quand le Très-Haut donna aux nations leur héritage, quand il répartit les fils d’homme, il fixa les limites des peuples suivant le nombre des fils de Dieu »). Ce passage du Deutéronome nous informe ainsi que les anges (les fils de Dieu) eurent en partage, au commencement, les peuples de la terre, Dieu se réservant le peuple d’Israël. En tout cas nous avons là l’affirmation d’un lien de service, voulu par Dieu, entre le monde angélique et le monde humain.

Nous savons que les érudits juifs, qui ont écrit, durant des décennies le Talmud, ont beaucoup réfléchi sur cette question des anges, et rapportent des traditions orales, qui ne sont pas dans l’Ancien Testament. Et notamment cette « rébellion » d’un ange, auquel a été donné, entre autres noms, celui de Satan. Et c’est cette « REBELLION » qui aurait entraîné sa déchéance.

Nous ne connaîtrons pas de sitôt les détails d’un tel épisode, à l’échelle cosmique sans doute, que suggèrent les textes bibliques, mais nous pouvons les utiliser pour mettre en lumière ces passages assez curieux du Coran :

– 7,10-12 : Nous vous créâmes et nous vous donnâmes la forme, puis nous dîmes aux anges : Inclinez-vous devant Adam ; et ils s’inclinèrent, excepté Eblis qui n’était point de ceux qui s’inclinèrent. Dieu lui dit : Qu’est-ce qui te défend de t’incliner devant lui, quand je te l’ordonne ? Je vaux mieux que lui, dit Eblis ; tu m’as créé de feu et lui, tu l’as créé de limon. Sors d’ici, lui dit le Seigneur, il ne te sied pas de t’enfler d’orgueil dans ces lieux…

– 17,63 : Nous dîmes aux anges : Prosternez-vous devant Adam, et ils se prosternèrent, Eblis seul excepté. Me prosternerai-je, dit-il, devant celui que tu crées de limon ?

– 38,69 : Je n’avais aucune connaissance des princes sublimes (les anges, fait observer le traducteur), quand ils se disputaient au sujet de la création de l’homme (avant de ‘se prosterner’, toujours selon le traducteur).

– 38,71-78 : Dieu dit un jour aux anges : J’ai formé l’homme de boue. Quand je lui aurai donné la forme parfaite et soufflé en lui de mon esprit, vous aurez à vous prosterner devant lui. Les anges, tous tant qu’ils étaient, se prosternèrent devant lui, à l’exception d’Eblis. Il s’enfla d’orgueil et fut du nombre des ingrats. Ô Eblis ! lui cria Dieu, qui est-ce qui t’empêche de te prosterner devant l’être que nous avons formé de nos mains ? Est-ce par orgueil, ou bien parce que tu es plus élevé ? Eblis répondit : Je vaux mieux que lui. Tu m’as créé de feu, et lui de boue. Sors d’ici, lui cria Dieu ; tu seras repoussé loin de ma grâce.

Cette insistance du Coran à parler de l’ange rebelle, qu’il nomme Eblis (ou Iblis, selon d’autres traducteurs) devrait plonger, tout lecteur raisonnable, dans un abîme de réflexion.

Alors que le texte du Nouveau Testament, cité plus haut, ne fait pas allusion à la rébellion angélique, le Coran est on ne peut plus clair sur la question, par trois fois au moins (peut-être y a t il d’autres passages qui nous ont échappés). Avec comme conséquence logique, la déchéance d’Eblis. Est-ce que celui-ci est le même que Satan ?

Dans le premier dialogue que nous venons de citer (Coran 7,10-12), qui se poursuit dans les versets suivants (Coran 7,13-17), Dieu recommande à Adam et à son épouse (verset 18) de ne pas s’approcher de « l’arbre ». Or aussitôt après, au verset 19, le nom de Satan est cité et défini comme le tentateur (séducteur) qui leur dit : « Dieu ne vous interdit cet arbre qu’afin que vous ne deveniez pas deux anges, et que vous ne soyez immortels. »

Certains traducteurs n’hésitent pas à mettre, entre crochets, le nom de Satan (ou le Diable) quand le texte en arabe ne l’indique pas.

Donc Eblis et Satan sont deux noms désignant le même ange déchu, dans le Coran. Et le dictionnaire « arabe-français » le confirme.

Sans tirer de conclusions hâtives, voici une série de questions :

– N’est-ce pas la volonté de Dieu d’« ennoblir », de « diviniser » l’homme créé de limon, le mettant ainsi au dessus des anges, qui provoque l’opposition de Satan ?

– Cet ange étant un être spirituel, après s’être rebellé contre Dieu, ne s’est-il pas déclaré l’ennemi de l’homme à jamais ? Comment le combattre sinon de manière spirituelle et avec l’aide de Dieu, et le Dieu de Jésus Christ puisque c’est en Lui que nous pouvons hériter de la divinité ?

– Finalement, le Coran, en niant la divinité de Jésus, ne rejoint-il pas le refus de Satan d’adorer le premier homme, le Premier-né de Dieu ?

À chacun d’y répondre et de méditer… avec le secours de Dieu, dont nous implorons et la bonté et l’Esprit de vérité et de discernement tout au long de l’année 2007.

    

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1 C’est-à-dire les deux seuls êtres n’ayant pas de père « humain géniteur » : Adam et Jésus. Toutefois pour Jésus, qui est Dieu, préexistant à tous les êtres, il ne s’agit pas de sa « prime naissance » mais de sa « naissance au monde créé par Lui » : c’est tout le mystère de l’Incarnation.

2 Comme on dit de Marie qu’elle est la nouvelle Eve. Celle-ci, bien que sans père géniteur elle aussi, puisque Dieu la fait venir au monde par « son époux », est appelée à jouer un rôle différent dans l’économie du salut.

Tandis que Eve naît du premier Adam, Marie donne naissance au nouvel Adam, « le premier homme » des fils de Dieu.

C’est ainsi que l’Evangile dit qu’elle mit au monde (accoucha de) « son fils premier-né ». Certains le comprennent comme le premier d’une série d’autres enfants qu’elle aurait eus de Joseph.

Si, après avoir eu le privilège d’être la maman du Fils de Dieu, Marie, qui fut le temple par excellence de l’Esprit Saint, sanctifiée « entre toutes les femmes » dans ce dessein, avait eu le désir d’autres enfants c’est qu’elle n’avait rien compris. Et Dieu aurait choisi, de toute éternité, pour maman, une femme aussi peu noble, aussi peu reconnaissante et aussi peu sainte ? Vraiment, penser cela, c’est, en faisant injure à Marie, déconsidérer notre Dieu !

En revanche il est bien plus judicieux de reconnaître et de voir, dans ce qualificatif de « premier-né », une disposition divine : Marie a mis au monde Le Fils éternel que le Père consacre « Premier-né » d’une multitude de frères, expliquent Paul en Rm 8,29; ainsi que ce fameux passage des Psaumes: Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré .

Jésus, qui est la tête, engendré par Marie, a voulu que tous ses membres, qui forment son Eglise, soient spirituellement engendrés de la même façon.

Comment peut-on se dire frère de Jésus, et refuser d’avoir la même mère que Lui ? Refuse-t-on d’avoir pour  Père, Son Père ? Jésus nous fait entrer dans l’intimité de Dieu, par l’Esprit. C’est donc en esprit que nous disons « Abba », et c’est aussi spirituellement que nous pouvons dire que Marie est notre mère.

Comme nous sommes enfants du même Père par Jésus Christ, nous sommes enfants de Marie par son Fils bien aimé.

3 C’est la Bible qui nous enseigne que les Anges, les Esprits bienheureux, sont au service des hommes. Et Jésus nous parle en Mt 18,10 des anges gardiens : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits, car, je vous le dis, aux cieux leurs anges se tiennent sans cesse en présence de mon Père qui est aux cieux. »