La mort du Christ sur la croix

‘Le Verbe s’est fait «porteur de la chair» pour que les hommes puissent devenir «porteurs de l’Esprit»’. Athanase d’Alexandrie.


 

«La vie tourne en circuit fermé »
 
Nous vivons des temps tragiques ravagés par les idéologies de haine et de désespoir, où les nations redoublent d’effort dans leur compétition pour la puissance et la suprématie (quelquefois idéologique); alors qu’en même temps s’étendent le pillage de la planète, la négation du droit à la vie, et bien d’autres destructions. Mais surtout il nous semble assister à un déni de la dignité humaine; une généralisation systématique de la stigmatisation de l’autre, de celui qui est différent, une radicalisation des esprits qui perpétue l’incompréhension par rejet de l’autre.
En parallèle nous voyons ainsi s’opérer cette double peine (celle héritée de la peur); la peur du chrétien refusant d’affirmer sa foi libre (par peur d’être taxé de liberticide ou de prosélyte) et ce face à un monde où dorénavant la liberté de conscience a été remplacée par l’essentialisme (Réduction de l’individu au statut de représentant quelconque de son groupe d’appartenance bien souvent supposé). Dés lors cette double peine: pour les uns la peine d’avoir à taire leur amour du Christ et pour les autres l’absence d’accueil dans une Eglise.
 
«En perdant la notion apostolique du Corps, organisme vivant de la présence réelle du Christ qui n’est ni venu ni pour les apôtres, ni pour une poignée de paroissiens, l’Eglise n’existe plus en fonction du monde. Alors la foi Chrétienne perd étrangement sa qualité de ferment; les chrétiens n’ont plus le sens de la mission; ils ne savent plus être ambassadeurs, envoyés. La vie tourne en circuit fermé!». Evdomikov P.
 
«Nous trébuchions, le sommeil nous manquait,….»
 
Nous avons été si sûr de nous aussi, établi dans nos convictions de vouloir partir, et être ailleurs. Nous scrutions, nous avions soif de connaissance; mais nos certitudes nous servaient de censure et tout nous indiquait alors que l’on était dénigré, oublié….. Nous doutions de la lutte quotidienne de ceux qui veulent que cesse la torture, la peine de mort et les souffrances que les hommes s’infligent. Nous trébuchions, le sommeil nous manquait, et nous combattions l’ange. Nous ignorions alors que “Tu étais avec moi. C’est moi qui n’étais pas avec Toi” (Saint Augustin).
Celui qui ne crie pas, Celui qui ne brise pas le roseau froissé; Celui-là nous a fait découvrir l’amour vrai. C’est par Sa Parole que nous avons découvert notre participation à une construction (Ephésiens 2, 20-22) et que ce qui est rejeté est devenu pierre d’angle (Actes 4,11). Et c’est bien ce Jésus qui nous a rétabli dans notre dignité d’homme libre, et nous a fait comprendre que Dieu croit en nous, qu’il a un rêve, qu’il nous aime tels qu’on est, mais aussi qu’Il aime nos ennemis et que Dieu n’a que nous… «God Has a Dream» de Desmond Tutu.
 
Nous pouvons attester de ce qui transcende toutes nos traditions et qui s’appuie sur le caractère immédiat de l’amour et de notre attachement à ce je universel. Ce je universel dont nous a parlé si bien Zundel ‘Il y’a un je universel, un je qui est caché au fond de tout âme humaine, un je qui nous rassemble, un moi qui nous établit en communication, un moi fragile secret, silencieux comme la flamme du cierge, et c’est la le vrai Dieu et il n’y en a pas d’autre.
 
Le voila donc ce Seigneur qui vient nous abreuver! Tout comme pour le plus jeune fils de la parabole du fils retrouvé (Luc 15,11-32). C’est par Sa parole nous avons repris contact avec notre cœur profond et avons retrouvé un Père juste. Un Père qui ne nous chassera pas, nous avons ainsi pris conscience d’un amour sûr, stable, solide, qui est en même temps vérité.
 
«Moi, Jésus, j’ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Eglises. Je suis le rejeton de la race de David, l’Etoile radieuse du matin. L’Esprit et L’Epouse disent «Viens!» Que celui qui entend dise «Viens!» Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de vie, gratuitement» (L’Apocalypse. Epilogue 16-17)
 
 
«Se sentir inclus dans son universalité»
 
Donc pour notre part il s’agit de témoigner de Celui qui nous a amené à cette joie, cette dignité et cette grâce d’avoir (enfin!) retrouvé nos places de fils, à la place intérieure que le Père donne. Cette place qu’il donne à chacun de nous et que personne ne pourra jamais nous prendre. Nous témoignons que c’est bien par Sa parole que chaque jour des hommes (dans le secret bien souvent) se livrent sans réserve au feu purifiant de l’Amour.
 
Comment dans une certaine mesure ne pas reconnaître dans ceux qui hésitent encore a accueillir dans l’Eglise et à diffuser l’évangile, le frère aîné de la parabole celui qui a la certitude d’être sur la bonne route: le devoir.
 
‘C’est donc à cette dignité que l’Eglise doit s’adresser, et avec tant d’humilité que chacun puisse se sentir inclus dans son universalité par cela même qui le fait homme. ’Maurice Zundel’. Un autre regard sur l’homme. Ed. Sarment. Et toujours du même auteur:
‘Et le Dieu vivant n’est pas notre Dieu à nous tout seuls. Il est le Dieu de toute cette humanité, comme il est le Dieu de tout l’univers, et nous ne pouvons donc aller tout seuls à ce Dieu de toute l’humanité et de tout l’univers: notre religion a un horizon communautaire, un horizon universel, et nous ne pouvons vraiment rejoindre vraiment ce Dieu vivant, le Christ vivant, qu’en prenant avec nous toute notre humanité et tout l’univers.’ (Maurice Zundel – Un autre regard sur l’Eucharistie).
 
Dès lors nous ne pouvons taire: ni le nom, ni l’amour de Jésus-Christ; nous qui connaissons dans notre chair l’enseignement de la parabole de l’enfant prodigue et de Celui qui nous a redonné la liberté de questionner le monde et nous annonce: «Si vous demeurez dans ma parole, Vous êtes vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera» Jean 8,32. Ainsi l’actualité nous rappelle la mission qui est d’être ‘Christophores’ et de communiquer au monde la lumière de Jésus-Christ et de refléter Son Visage.
 
«La mort du Christ sur la croix est un jugement du jugement.»
 
Seigneur Tu nous a enjoints de ne pas juger et d’avoir l’œil sain, et pour remettre en ordre la demeure intérieure tu fais venir ton Esprit Saint. Aussi nous nous tournons vers et prions le Dieu de toute cette humanité, et nous adressons à «Celui qui a fait tomber le mur de la haine» comme le dit si admirablement Saint Paul dans la lettre aux Ephésiens.
 
Quel langage dés lors pourrions-nous utiliser pour témoigner de notre espérance? Nous avons écouté ta Parole, Seigneur:
 
“Moi, je suis venu dans le monde, la lumière, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. Et si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, moi, je ne le juge pas; car je ne suis pas venu afin de juger le monde, mais afin de sauver le monde. Celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles, a qui le juge; la parole que j’ai dite, celle-là le jugera au dernier jour” (Jean12.46-48).
 
 ‘Dans le Crucifié, le pardon est offert, la vie donnée. Pour l’homme il ne s’agit plus de craindre le jugement et de mériter le salut, mais d’accueillir l’amour dans la confiance et l’humilité. Car Dieu s’est laissé assassiner pour offrir la vie même aux assassins.’ Olivier Clément p. 47 «Sources – Les mystiques chrétiens des origines» Ed. Stock
 
Comme nous souhaitons la diffusion du message évangélique: «le germe explosif de l’Evangile révolutionne, renverse avant tout, non pas les structures du monde, mais les structures de l’esprit humain» P. Evdomikov.
 
Et tu nous as guidé Seigneur et nous as enseigné que «La mort du Christ sur la croix est un jugement du jugement», Saint Maxime Le Confesseur.
 
Aussi nous savons que nous pouvons nous comporter comme le frère aîné dans la révolte, sûr de nous et d’avoir suivi le chemin du devoir. Oubliant que l’accueil de notre frère est bien le point de départ possible d’une nouvelle vie, occasion offerte de retrouver le sens. Alors en ses temps chaotiques et d’affrontements, ‘Aide-nous à réaliser qu’il ne peut y avoir aucune compréhension mutuelle s’il y a rejet l’un de l’autre.’ cf. la Prière d’adieu de T. Merton ci-jointe.
 
«Prière d’adieu de T. Merton.»
 
Octobre 1968 – Calcutta – “Conférence spirituelle au sommet”
 
Ô Dieu, nous sommes un avec Toi. Tu nous as fait un avec Toi. Tu nous as appris que si nous sommes ouverts les uns aux autres, Tu habites en nous.
Aide-nous à conserver cet esprit d’ouverture et à lutter de tout notre cœur pour le préserver.
Aide-nous à réaliser qu’il ne peut y avoir aucune compréhension mutuelle s’il y a rejet l’un de l’autre.
 
Ô Dieu, en nous acceptant les uns les autres de tout cœur, entièrement, pleinement, nous T’acceptons et nous Te remercions et nous T’adorons et nous T’aimons de tout notre être, parce que notre être est dans Ton être, notre esprit est enraciné dans Ton esprit.
Remplis-nous d’amour, et que l’amour nous unisse tous ensemble au moment où nous repartons dans des directions différentes, liés dans cet esprit unique qui Te rend présent dans le monde et qui fait de Toi le témoin de cette réalité ultime qui est l’amour.
 
L’amour triomphe.
 
L’amour est vainqueur.
 
Amen.
 
ANNEXES
 
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 «La vie tourne en circuit fermé»
Evdomikov P. L’amour fou de Dieu. Ed, Du Seuil. P 160-168
 
«En perdant la notion apostolique du Corps, organisme vivant de la présence réelle du Christ qui n’est ni venu ni pour les apôtres, ni pour une poignée de paroissiens, l’Eglise n’existe plus en fonction du monde. Alors la foi Chrétienne perd étrangement sa qualité de ferment; les chrétiens n’ont plus le sens de la mission; ils ne savent plus être ambassadeur, envoyés. La vie tourne en circuit fermé! …le germe explosif de l’Evangile révolutionne, renverse avant tout, non pas les structures du monde, mais les structures de l’esprit humain…»
 
«Les îles attendent son enseignement» Isaïe 42, 1-4
 
«Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complait. J’ai mis sur lui mon esprit, il présentera aux nations le droit. Il ne crie pas, il n’élevé pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement il présente le droit; il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et les îles attendent son enseignement.»
 
Lettre aux Éphésiens, Chapitre 2, 13-18
 
 
Frères, vous qui autrefois étiez loin de Dieu, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine, en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse.
Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau. Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine.
Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches.
Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit.
 
’Pierre d’Angle’
 
Ce Jésus, il est la pierre que vous aviez rejetée, vous les bâtisseurs, et il est devenu la pierre d’angle.
Actes 4, 11
 
Vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes: et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus 1ui même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui vous êtes, vous aussi, des éléments de la construction pour devenir par l’Esprit Saint la demeure de Dieu.
Ephésiens 2, 20-22