Le “dessein bienveillant” du Créateur

Le Dieu unique ne peut avoir qu’une seule famille, ne peut se consacrer qu’un Peuple unique.

Après l’échec de son projet de rassembler toute la famille humaine dans la vie de la grâce à partir d’Adam, Dieu le Créateur va devoir, pour réaliser son “dessein bienveillant” (Ep. I,9) après le péché – dessein auquel son amour ne saurait renoncer – faire comme un détour, en vue d’une histoire qui devra être celle d’un salut. Ce salut ne pouvant venir que de Lui-même, que d’En-Haut, le Créateur se fera Sauveur, en la Personne qui est le garant éternel de ce dessein, c’est-à-dire la Personne du Fils; Fils qui va s’impliquer jusqu’à l’extrême, en une descente (cf. Is. 63,19), une kénose inouïe, pour venir chercher l’homme. Car ce dessein de divinisation qui doit nous faire partager éternellement la vie bienheureuse de Dieu, est celui d’une Adoption comme fils dans le Fils unique, grâce à une Alliance d’amour entre le Fils comme Epoux et la créature humaine comme Epouse. “Ton Créateur t’épousera.” (Is. 54,5)

 

La préparation de l’Incarnation Rédemptrice

La Venue, la “descente” jusqu’en notre chair de ce Fils unique “pour nous et notre salut” (liturgie) suppose un accueil libre de la part de la créature humaine, car Dieu ne peut nous sauver sans notre acceptation, laquelle nécessite à l’évidence une préparation. Et l’accueil décisif, premier, devra être le fait d’une seule personne, celle dont au temps marqué Dieu le Fils, le Verbe, voudra prendre chair, celle qui sera appelée à être sa Mère.

Mais pour que, dans un monde aussi déchu, cette “femme” apparaisse qui soit en mesure de répondre à une vocation si éminente, une longue préparation – et une ultime purification – n’est-elle pas requise, qui ne peut s’inscrire que dans une suite de générations, une famille, un Peuple?… ceci d’autant plus qu’à la suite de cette femme d’autres personnes – au moins un “reste” suffisant – auront aussi à donner un “oui”, afin qu’existe une Assemblée par qui le salut puisse être annoncé et proposé jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Is. 49,6).

Il s’agit donc pour Dieu de susciter un Peuple qui soit le dépositaire de la Révélation du dessein divin et participe à l’accomplissement de cette Promesse d’un Sauveur destiné à tous les hommes et déjà annoncé à nos premiers parents sitôt leur chute. Ce Sauveur sera la “descendance” de la “femme”. “Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t’écrasera la tête” (Gén. 3,15).

Ce peuple devra donc être créé, enseigné, éduqué par Dieu pour être associé à son oeuvre de salut, avant tout à travers Celle à qui il reviendrait ultimement d’accueillir et d’être associée à ce Sauveur.

 

La création du Peuple de Dieu

Dieu ne procède pas par transformations d’ensemble. C’est toujours une personne d’abord qui porte exemplairement et apporte aux autres une vocation ou une mission, celle-ci dût-elle être celle de beaucoup ou de tous. Selon la Révélation, la personne est première par rapport au peuple parce que la liberté a son siège dans la personne. Il ne s’agit pas dans le projet historique de Dieu d’une universalité abstraite, encore moins d’un universalisme idéologique. Il ne s’agit pas non plus de créer une “masse” ou un “collectif” où chacun ne serait qu’une partie anonyme d’un tout indifférencié. Il s’agit de créer une “communion” entre des “personnes”, Personnes divines et personnes humaines – et angéliques – libres, uniques, irremplaçables. Telle est l’universalité concrète que le Seigneur veut faire advenir en son Peuple appelé à être un jour son Corps.