Les derniers jours d’Augustin et l’aventure de ses reliques.

MERE QABEL Fraternité de prière YEMMA QABEL

À SAINT AUGUSTIN ﻞﺒﻗ ﺎﻧﻣﺃ

Prieuré – 23, Grande Rue

77120 SAINTS Charte « Naître d’eau et d’Esprit » (Jn 3,5)

– ZZYARA TISS-NAT -24/04/05-

Second pèlerinage à Saint-Augustin des fraternités issues de Mère Qabel : Notre-dame de Kabylie, la Fraternité Saint-Augustin de Nantes…

Nous sommes en 429 et une puissante armée, composée principalement de Vandales, déferle de l’Espagne sur l’Afrique. Une guerre d’une férocité inouïe s’abat sur le pays : églises, monastères, cimetières sont profanés et pillés ; les évêques et les prêtres sont les premières victimes, mais aussi les femmes et les enfants tandis que les édifices sont incendiés ou détruits. Bonifacius, le général romain qui commandait les troupes face aux Vandales, est vaincu en rase campagne et se retire à Hippone. La ville est aussitôt encerclée et assiégée, en 430. Hippone résiste et l’évêché monastère d’Augustin en devient le cœur palpitant de prière et de charité. L’évêque Possidius y résidait pour assister le vieux Saint ; c’est ainsi que nous possédons grâce à lui le récit de la terrible agonie morale et physique qu’Augustin eût à souffrir :

«Devant le spectacle de la dévastation sauvage, l’homme de Dieu ne partageait pas les mêmes soucis que les autres. Considérant les évènements dans leur plus profonde signification, il prévoyait les dangers et la mort des âmes. Les larmes étaient devenues son pain quotidien, de jour comme de nuit. (…) Il voyait les carnages et la destruction des villes …les pauvres gens massacrés …les églises privées de prêtres …Il estimait que l’intégrité de l’âme et du corps, mais aussi de la foi allait se perdre. … Les sacrements seraient désertés… Des innombrables églises, trois tenaient encore debout : celles de Carthage, de Cirta (Constantine) et d’Hippone (Bône, puis Annaba), ces villes résistant encore, avec l’aide de Dieu et des hommes… (extrait de « Vie » de Possidius)

De même que l’évêque de Milan, Ambroise, faisait chanter des hymnes pendant le siège de sa ville, Augustin, et toute l’Eglise d’Hippone avec lui, chante des hymnes à Dieu. Leur chant inonde la plaine et les barbares se disent : « Ils chantent encore ! » et ils s’arrêtent pour les écouter. L’évêque soutient le courage et la foi des habitants en leur parlant de la « Patrie céleste » ; il leur parle d’un « Dieu Beauté Amour » dont il était déjà possible de jouir. Les fidèles lui crient : « Tu es plus fort que Genséric ! », (le chef des Vandales), ou « Tu es notre évêque, tu es notre père ! ». Et ils le regardent, courbé sous le poids des ans, le sourire triste. Dans cette apocalypse, ils aperçoivent encore quelque chose de grand, quelque chose de beau : cet homme ! « Augustin, Augustin… » C’était le nom si cher que les mamans répétaient à leurs enfants.

Un jour, alors que le siège durait depuis déjà trois mois, Augustin ne descend pas de sa chambre. Il garde le lit, fiévreux ; c’est sa dernière maladie. La nouvelle circule rapidement, de bouche à oreille. Il semble que les Vandales s’en soient allés et que la maladie d’Augustin soit désormais le seul malheur. Possidius se présent à l’ambon en pleurant : « Il m’a dit de ne laisser entrer personne dans sa chambre… Il veut prier, il veut prier… Il m’a dit qu’il vous aimait… ». Augustin ordonne de mettre en lieu sûr les codex et les livres qu’il a écrits « pour les générations futures ». Possidius leur dit encore : « L’état de santé de notre père s’aggrave. Il a appelé un prêtre chargé des pauvres. Il n’a fait aucun testament, tout ce qu’il a appartient à l’Eglise, tout est aux pauvres ». Les fidèles lui répondent : « Embrasse ses mains pour moi ! », « Dis-lui que nous l’aimerons toujours ! » Et Possidius continue : « Il vous aime ! Il offre sa vie à Dieu pour vous, pour l’Eglise que vous êtes, toujours aimée… Il demande pardon à Dieu, pour tous… Il prie pour les Manichéens, les Donatistes, les Pélagiens, les Ariens et pour tous les hommes qui sèment la terreur… » (Extrait de « Vie », i.e.)

C’était le 28 août 430 :

« Un petit corps exténué par les ans, par la fatigue et les efforts, par ses saints désirs, retenait encore à grand peine un esprit intensément illuminé… Une imperceptible palpitation des lèvres témoigna d’une aspiration intérieure : « J’ai tardé à T’aimer, Beauté si ancienne et si neuve… J’ai tardé à T’aimer… Tu m’as appelé, et ton cri a rompu ma surdité… Je T’ai goûté : j’ai eu faim et soif de Toi… »

Ce jour-là les Vandales se turent, comme les moines ; le ciel était limpide, la mer calme.

Les Vandales assiégèrent encore Hippone pendant quatorze mois, puis contrôlèrent enfin la voie menant à la mer. Une époque mourait, et avec elle l’Afrique du Nord chrétienne, ou plutôt elle s’endormit pour se réveiller quatorze siècles plus tard.

« Les Vandales qui avaient troublé ses derniers jours menacèrent aussi sa tombe. Il fallut leur dérober les dépouilles du glorieux défenseur de la foi. Elles furent portées en Sardaigne ; les prélats qui survécurent à Augustin n’ayant pas voulu, en prenant la route de l’exil, laisser les restes de celui qui fut si longtemps leur guide, leur père et leur modèle, à l’Arianisme persécuteur. Un des plus vénérables proscrits, saint Fulgence de Ruspe, né d’une famille sénatoriale, accomplit cette mission. C’est la lecture d’un sermon d’Augustin qui l’avait soudainement déterminé à renoncer au monde ; il était naturel qu’il prit sous sa garde ce qui restait de son illustre maître.

La Sardaigne méritait l’honneur de servir d’asile aux restes mortels de saint Augustin, elle qui, de bonne heure, s’était émue à la Parole évangélique, et dont les enfants avaient confessé la foi sous la hache des bourreaux. Deux siècles après, les Sarrasins qui venaient de laisser des traces sanglantes dans le midi de la France et dans l’Italie, se rendaient maîtres de la Sardaigne, et le corps de saint Augustin tombait en leur pouvoir. Un pieux roi lombard, Luitprand, racheta ces sacrées dépouilles, à prix d’or, qui trouvèrent à Pavie un abri digne de leur gloire. Placées dans la crypte de la Basilique de Saint Pierre du Ciel d’Or, elles y furent l’objet d’un culte solennel qui s’est perpétué à travers les âges.» (par Mgr Donnet, archevêque de Bordeaux en 1845)

Et c’est delà que Mgr Dupuch, nommé premier évêque d’Alger en 1838, originaire du diocèse de Bordeaux lui aussi, rapportera en 1842 une relique du saint (le cubitus du bras droit), pour le projet de construction d’une basilique sur la colline dominant Annaba.

La Basilique actuelle fut consacrée le 29 mars 1900. On peut encore y voir l’avant bras d’Augustin, dans une châsse contenant une statue le représentant sur son lit de mort.

— Ces lignes, du 17 avril 05, sont de Madeleine Hardy, arrière parente de Mgr Dupuch —