“Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie; alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer.

Or, à Jérusalem, résidaient des juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. A la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient: “Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle? Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de I’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, tous, tant juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.” Actes 2,1-11

Dans son traité sur le Saint Esprit, St Augustin écrit : « Qui ne serait frappé de cette coïncidence et en même temps de cette différence ? Cinquante jours séparent la célébration de la Pâque du jour où Moïse reçût la loi écrite par le doigt de Dieu sur les tables ; et pareillement, cinquante jours après la mort et la résurrection de celui qui comme un agneau fut conduit à l’immolation, le doigt de Dieu, c’est-à-dire l’Esprit Saint, remplit lui-même les fidèles réunis. » Du coup, les prophéties de Jérémie et d’Ezéchiel sur la nouvelle alliance trouvent leur accomplissement : « « Voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur. Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. » (Jr 31, 33)

Avec la nouvelle alliance, d’une loi extérieure et écrite, reprenant un ensemble d’obligation morale et cultuelle, nous passons à une loi intérieure, présence divine au cœur de l’homme. Ce qu’Ezéchiel avait entrevu lorsqu’il disait : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes. » (Ez 36, 26-27)

La fête de la Pentecôte est donc pour le chrétien celle du don de la loi véritable qu’est l’Esprit Saint répandu dans nos cœurs. C’est dans cette perspective que se comprend le chapitre VIII de l’épître aux Romains dont nous avons lu un extrait et où Paul oppose la loi de l’Esprit qui donne vie à la loi de Moïse qui est incapable de sauver. En effet, seul l’Esprit Saint répandu en nos cœurs par la foi et le baptême nous fait accéder au salut réalisé par Jésus. Toute loi, tout texte écrit, au mieux, donne la connaissance du bien et du mal, mais ce n’est pas la loi écrite qui nous permet de réaliser le bien. Au début du chapitre VIII de l’épître aux Romains, Paul le dit clairement, c’est « la loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus. » (Rm 8, 2) L’apôtre précise dans l’épître aux Galates, « en effet, s’il nous avait été donné une loi capable de communiquer la vie, alors la justice procèderait de la Loi. » (Ga 3, 21)

C’est pourquoi la loi nouvelle donnée par Jésus n’est pas, au sens strict, celle promulguée au mont des béatitudes, mais celle gravée dans les cœurs au jour de la Pentecôte. Certes, on peut considérer que les préceptes évangéliques sont plus parfaits et plus élevés que ceux de la loi de Moïse, toutefois, à eux seuls, ils seraient restés tout aussi inefficaces. S’il avait suffit de proclamer de nouveaux commandements, on ne pourrait expliquer la nécessité salutaire de la Passion du Christ ni celle de la venue de l’Esprit Saint. Il aurait suffi pour Jésus d’indiquer la bonne loi à suivre, puis de mourir paisiblement en bon maître de sagesse entouré de ses disciples parvenus à la perfection grâce à son enseignement. Or la vie de Jésus et celles des apôtres nous montrent que cela ne suffisait pas, eux qui ont dès le début écouté et suivi Jésus, furent incapable de lui être fidèles ; et ils restaient enfermés jusqu’à la venue de l’Esprit.

Sans la grâce du Saint Esprit, même l’Evangile donc, même le commandement nouveau de l’amour mutuel, serait resté une loi ancienne, une lettre stérile. Car le commandement nouveau de l’amour ne l’est pas quant à la lettre, il est nouveau car l’amour est répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui est lui la loi nouvelle. Ainsi Saint Jean écrit : « Bien-aimés, ce n’est pas un commandement nouveau que je vous écris, c’est un commandement ancien, que vous avez reçu dès le début. Ce commandement ancien est la parole que vous avez entendue. Et néanmoins, encore une fois, c’est un commandement nouveau que je vous écris (…) puisque les ténèbres s’en vont et que la véritable lumière brille déjà. » (1Jn 2, 7-8)

Cette nécessité du don de l’Esprit pour accéder à la vie promise, et l’inefficacité de tout discours, Saint Thomas d’Aquin l’assure dans sa somme théologique quand il commente l’affirmation de Paul “la lettre tue, seul l’Esprit vivifie”. « La lettre, dit saint Thomas, désigne tout texte écrit qui demeure extérieur à l’homme, fût-ce le texte des préceptes moraux contenus dans l’Évangile. Il en conclut que même la lettre de l’Évangile tuerait, si, à l’intérieur de l’homme, ne s’y adjoignait la grâce guérissante de la foi. » (S. Th. I-IIae, q. 106 a.2)

Connaître la différence entre la loi ancienne écrite et la loi nouvelle de l’Esprit n’est pas seulement une question théorique de plus ou moins grande intelligence de la foi, mais c’est aussi une question pratique dont découlent des conséquences concrètes pour notre vie.

Le passage de l’ancienne à la nouvelle alliance ne se fait pas seulement ni d’abord par l’adhésion intellectuelle ou morale aux valeurs de l’Evangile, mais par l’accueil de l’Esprit saint qui renouvelle notre cœur. Est chrétien celui qui croit en Jésus Christ venu dans la chair et par cela reçoit l’Esprit qui fait de lui un fils. Conformer sa vie aux valeurs de l’Evangile ne vient que dans un second temps, après avoir adhéré dans la foi au mystère révélé dans la personne du Christ Jésus. C’est l’Esprit Saint répandu en nos cœurs qui donne la vie et conforme notre vie aux préceptes évangéliques.

Fr. Antoine-Marie, o.c.d.

à partir du site : www.carmel.asso.fr

Prière à l’Esprit Saint :

Viens, Esprit Saint, en nos coeurs

et envoie du haut du ciel

un rayon de ta lumière.

Viens en nous, père des pauvres,

viens, dispensateur des dons,

viens, lumière de nos coeurs.

Consolateur souverain,

hôte très doux de nos âmes,

adoucissante fraîcheur.

Dans le labeur, le repos;

dans la fièvre, la fraîcheur;

dans les pleurs, le réconfort.

O lumière bienheureuse,

viens remplir jusqu’à l’intime

le coeur de tous les fidèles.

Sans ta puissance divine,

il n’est rien en aucun homme,

rien qui ne soit perverti.

Lave ce qui est souillé,

baigne ce qui est aride,

guéris ce qui est blessé.

Assouplis ce qui est raide,

réchauffe ce qui est froid,

rends droit ce qui est faussé.

A tous ceux qui ont la foi

et qui en toi se confient

donne tes sept dons sacrés.

Donne mérite et vertu,

donne le salut final,

donne la joie éternelle.