Le défi représenté par les musulmans convertis au christianisme

Interview avec Giorgio Paolucci, rédacteur en chef de Avvenire

Rome, 16 octobre 2006.

Les musulmans convertis au christianisme constituent un défi pour les gouvernements concernant leur capacité à assurer la liberté de religion….et leur témoignage est aussi un défi à relever par l’Eglise elle-même.

C’est ce qu’affirme Giorgio Paolucci, rédacteur en chef du journal catholique italien Avvenire. Il a écrit un livre avec le journaliste libanais Camille Eid, correspondant d’Avvenire au Moyen Orient, intitulé : « Chrétiens venus de l’Islam » et qui rassemble des témoignages de musulmans résidant en Italie et convertis au christianisme.

« Le livre cherche à mettre en lumière un iceberg » dit Paolucci. Alors que les occidentaux convertis à l’islam sont très connus, invités à la télévision et aux émissions les plus regardées, sont présidents des associations musulmanes les plus connues et n’ont aucun problème de visibilité, nous avons rencontré des personnes qui, du fait de la nature de leur expérience, rencontrent des difficultés à faire connaître ce qu’ils ont vécu, bien qu’ils soient très heureux de ce qui s’est passé dans leur vie.

Voici un extrait de l’interview que M. Paolucci a donnée à Zenit :

Q : Votre enquête a-t-elle été délicate et dangereuse ?

Paolucci : La première difficulté a été de trouver des musulmans convertis au christianisme. Tout le monde a entendu parler d’Abdul Rahman, l’Afghan de 41 ans menacé de la peine de mort en mars de cette année, accusé d’apostasie et qui maintenant vit en Italie, sauvé par une incroyable mobilisation internationale.

Quand cela est arrivé, tous les journaux italiens, européens et même du monde ont parlé pendant 15 jours du problème de l’apostasie et de la peine de mort que l’Islam proclame contre ceux qui se convertissent à une autre religion.

Notre tâche a été de découvrir l’histoire et le visage de ces personnes, pour faire comprendre que ce problème n’affecte pas seulement les pays lointains comme l’Afghanistan mais aussi l’Europe et l’Italie.

Q : Pourquoi cela nous affecte t-il ?

Paolucci : Une des conséquences de l’immigration est que l’Islam est parmi nous. Etant présent au sein des pays occidentaux, il l’est avec toute sa complexité, y compris la question de la liberté religieuse, une question qui pour les pays musulmans et les communautés dispersées à travers le monde reste encore à clarifier.

Nous voulions écrire un livre qui aborde de façon approfondie les conséquences théologiques et juridiques de l’apostasie et les peines qui lui sont attachées, et qui en parle au travers d’itinéraires humains en essayant de comprendre comment il est possible que des personnes aiment Jésus au point de risquer de souffrir des persécutions et la peine de mort.

En 1995, le livre de Jean Marie Gaudeul « Appelés par le Christ, ils viennent de l’Islam », publié par EMI sortit également en Italie. Son objectif était d’analyser les histoires d’un point de vue théologique.

Nous au contraire, nous nous sommes intéressés aux histoires dans leur ensemble. Nous avons passé deux années à les recueillir car il est très difficile de convaincre les gens de parler, d’organiser les récits de sorte que l’essentiel demeure, tout en changeant les références personnelles pour raison de sécurité.

Finalement, nous avons trouvé 30 histoires, certaines racontées personnellement, d’autres dictées par téléphone ou récupérées sur internet, d’autres prises à partir de rares articles de la presse italienne sur le sujet.

Q : Dans l’introduction du livre, le jésuite égyptien Samir Kahlil, professeur d’histoire de la culture arabe et d’islamologie à l’université de Beirouth pose le problème de l’apostasie. Pourriez-vous nous dire le résultat de son analyse ?

Paolucci: Selon Samir Kahlil, quand on étudie le Coran, il est impossible d’y trouver une peine de mort pour les apostats.

Il y a 14 sourates qui parlent de punitions pour l’apostat, mais il n’y en a qu’une qui précise le type de punition dont il s’agit et elle dit que « l’apostat sera puni d’un châtiment dans ce monde et dans l’au-delà ».

Le passage qui dit « dans ce monde » ne précise pas comment alors que le Coran en général est très précis sur les châtiments : « Si quelqu’un vole, il doit être amputé, si quelqu’un commet l’adultère, son châtiment est 100 coups de fouet, etc. »

Samir Khalil souligne par conséquent que le fait que les apostats soient condamnés à mort par le code pénal en Arabie Saoudite, en Iran, au Yémen, au Soudan, en Afghanistan, en Mauritanie ne vient pas d’une prescription coranique.

Si cela est vrai, les fondamentalistes musulmans qui prétendent que les apostats doivent être tués ne parlent pas au nom du Coran. Ce fait est important, pas seulement pour les musulmans qui se convertissent au christianisme, mais parce que dans les 30 dernières années, l’apostasie a été le principal argument pour éliminer des adversaires politiques.

Très souvent les Frères Musulmans et d’autres groupes accusent leurs adversaires d’apostasie. Dès lors, il ne s’agit plus d’un problème religieux, mais d’une technique pour éliminer l’opposition. L’analyse de Samir Khalil sur cet argument est révolutionnaire et on peut espérer qu’elle initiera un débat au sein de l’Islam.

Q : Combien sont les musulmans convertis au christianisme en Italie ?

Paolucci : il n’y a pas de données précises. D’après nos recherches, nous pouvons attester des centaines de convertis venant de pays d’Afrique du Nord, du Moyen Orient ou d’Asie.

Certains ont été baptisés en Italie, d’autres baptisés dans leur pays et sont venus ensuite vivre en Italie, d’autres encore baptisés dans un pays tiers avant de venir en Italie.

D’après les histoires que nous avons collectées, il est évident qu’il y a beaucoup de question qui sont dans le cœur de chaque personne : le sens de la vie, la joie, l’amour, l’amitié, ce qui arrive après la mort.

Certaines des personnes que nous rencontrons n’ont pas trouvé une réponse satisfaisante dans le Coran et dans l’éducation musulmane qu’elles ont reçue. En même temps elles ont trouvé des témoignages attirants de la part de Chrétiens – leurs amis, collègues de travail, voisins, professeurs – qui ont été le début d’une réponse autre que celle du Coran.

Leurs différentes expériences ont fait naître l’idée en eux que peut être c’était le Christianisme, Jésus et non le Coran qu’ils recherchaient pour entreprendre leur voyage d’être humain.

Q : Parlez-nous de certaines des histoires que contient votre livre :

Paolucci : une jeune fille algérienne, de père catholique et de mère algérienne musulmane, née à Varèse en Italie avait été éduquée dans l’Islam.

Un jour elle alla au collège et eut à côté d’elle une jeune fille du mouvement d’Eglise Communion et Libération, qui devint sa meilleure amie et commença à étudier avec elle.

A 15 ans, elle se demandait pourquoi cette amie était joyeuse et heureuse et elle lui demanda : « Pourrais-je aussi participer aux sorties et réunions que tu organises ? »

Ce n’est qu’après avoir vécu avec de jeunes gens unis par la foi chrétienne qu’elle comprit que la source de cette joie était Jésus et son amour. Alors elle se dit : « Moi aussi je veux cela ».

D’abord elle eut des problèmes avec sa mère qui n’était pas d’accord qu’elle aille au centre des jeunes de la paroisse et à la Messe. Puis elle se ravisa.

Souvent dans une famille musulmane, le père, la mère ou la communauté sont radicalement opposés à la conversion au christianisme. Il y a des cas extrêmes où des personnes sont tuées si elles abandonnent la tradition musulmane. De ces différentes histoires j’ai acquis la conviction claire qu’à la base de la conversion, il y a l’attirance humaine que représente le témoignage des chrétiens.

Un jeune Turc qui ne trouvait pas de réponse convaincante dans la tradition musulmane alla voir l’imam et celui-ci répondit qu’il devrait lire le Coran. Le jeune Turc lut le Coran mais ne trouva pas les réponses. Alors un jour il rendit visite à un Franciscain et lui posa certaines questions auxquelles il reçut des réponses précises et satisfaisantes, et ceci l’amena à la conversion.

Q : Est- il vrai que certains se sont convertis en lisant l’Evangile ?

Paolucci : C’est vrai. Il y a un Bosniaque qui s’était battu dans les Balkans dans les milices musulmanes contre les Serbes et les Croates.

Pendant la nuit il écoutait dans sa tranchée une station de radio de Sarajevo qui retransmettait les discours de Mustafa Ceric – chef de la communauté musulmane de Bosnie Herzégovine – et celle du Cardinal Vinko Puljic à propos de la guerre.

Ceric disait : nous devons mener une guerre totale et combattre afin que cette terre devienne musulmane et c’est le devoir de chaque musulman de mener le Djihad. De son côté Puljic disait qu’il n’y aurait pas de paix sur cette terre tant que nous n’aurions pas le courage de nous pardonner les uns les autres. La réconciliation ajoutait-il est le seul chemin qui mènera à l’amitié.

Et le Bosniaque fut impressionné par le fait que son chef incitait à l’usage des armes, alors que l’ennemi promouvait le pardon.

Plusieurs raisons l’amenèrent en Italie où il se retrouva injustement en prison pour un incendie qu’il n’avait pas provoqué et pour lequel il fut finalement acquitté.

Pendant le temps qu’il passa en prison, il rencontra une religieuse croate qui rendait visite aux prisonniers et elle lui demanda s’il aimerait lire le Coran, mais l’officier bosniaque répliqua qu’il connaissait déjà le Coran et qu’il voulait lire l’Evangile, parce qu’il se souvenait de la phrase du cardinal Puljic qui disait que dans l’Evangile, Jésus prêchait le pardon.

La religieuse fut impressionnée et elle lui donna un Evangile en Croate. Il le lut et une amitié commença qui le mena au baptême.

Il y a des histoires miraculeuses puisque toute conversion est un miracle.

Q : Y a-t-il un programme pastoral pour les convertis qui viennent de l’Islam ?

Paolucci : la conférence épiscopale italienne a préparé un document : « Catéchumènes convertis venant de l’islam » écrit par Walther Ruspi.

Il y a en réalité beaucoup de prudence à avoir car nombre de musulmans convertis risquent leur vie. C’est un problème de liberté qui ne touche pas seulement les pays musulmans.

Malheureusement, le problème de la liberté est également évident dans un pays comme l’Italie, parce que l’Islam ne reconnaît qu’une seule religion, dont il est impossible de sortir. Par conséquent, il est très important de demander aux communautés musulmanes de reconnaître à leurs membres la liberté religieuse de se convertir et de vivre librement.

Q : quelles conclusions tirez-vous de cette recherche ?

Paolucci : mon livre lance trois défis : il met au défi l’Islam de reconnaître la liberté religieuse ; il met au défi les autorités politiques de garantir cette liberté et il nous met au défi nous, les chrétiens tièdes, de raviver notre amour pour Jésus.

Comme le stipule l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, approuvée en 1948, le droit à la liberté religieuse est le fondement de toute société civile. Il est légitime que les communautés musulmanes présentes dans notre pays réclament la protection de leur liberté religieuse, mais précisément pour cette raison, elles doivent reconnaître le même droit à ceux d’entre eux qui souhaitent se convertir à une autre religion.

De ce point de vue, les autorités politiques italiennes doivent garantir le droit et la pratique de la liberté religieuse. Il n’est pas acceptable qu’un converti de l’islam doive vivre clandestinement, aller dans une église située à 30 km de son domicile parce qu’il a peur que la communauté musulmane le punisse.

Le troisième défi revient à l’Eglise : parce que ces convertis font partie du nouveau printemps du Christianisme, dans un pays où le catholicisme a souvent représenté un embellissement. Pendant nos recherches, Camille Eid [co-auteur] et moi avons été impressionnés par le courage et la fraîcheur de ces convertis de l’Islam qui nous ont dit : « Vous ne réalisez pas l’immense trésor que vous avez – Jésus Christ a révolutionné notre vie. »


Envoyé par Christian D. et traduit de l’anglais par Xavier A.

Qu’ils soient tous deux remerciés.

Gloire à Toi Seigneur, qui convertit les cœurs dans l’amour !