La famille de Leila est chiite. Ce courant musulman s’est affirmé durant la guerre civile libanaise, en encadrant ses fidèles, leur prescrivant une pratique islamique stricte et radicale. Prise dans cette spirale impitoyable, où la violence n’est pas en reste, l’absence de la miséricorde divine se fait cruellement sentir. Cependant elle ne s’en alarmera qu’à son adolescence, car l’affection des siens est là pour y palier, et puis c’est la guerre, tout le monde est logé à la même enseigne…

Bien que musulmane convaincue, portant le voile et disant ses prières quotidiennes, une fois à l’université, elle s’interroge sur la liberté, sur la condition de la femme, sur ses droits et ses devoirs. En définitive c’est sur Dieu qu’elle se pose des questions : « Pourquoi exige-t-Il ces prières répétitives ? Pourquoi demande-t-Il que je me cache derrière un voile ? Pourquoi est-Il si loin, et que je dois être son esclave ? »

Ce questionnement ouvre une brèche dans ses certitudes qui va s’élargir lorsque, arrivant dans un camp international de jeunes, elle va se confronter à d’autres mentalités. « À peine arrivée, j’enlève mon voile, étonnée moi-même par ce geste subit ».

Puis un chant de Noël, entonné lors d’une veillée, va la bouleverser complètement ; un chant qui parle de la tendresse et de l’amour de Dieu, de Jésus Christ venu dans le monde par amour pour tous les hommes : illumination et révélation, son cœur chancelle de bonheur !

Ce sera le début d’un changement progressif. Qui ne sera pas sans épreuves, et quelles épreuves ! D’abord et en premier lieu celle de la famille lorsqu’elle va faire part de sa découverte, naïvement, à ses parents ; car elle n’avait pas mesuré tout le fossé qui sépare le christianisme de la doctrine musulmane, laquelle s’est construite pour une bonne part contre lui. Ce jour-là son père chéri, pris d’un accès de rage, lui met sous sa gorge un couteau de cuisine en lui disant simplement cette phrase : « c’est l’Islam ou la mort, choisis ! » Elle avait à peine vingt ans !

En dépit de cette menace, malgré sa peur et son angoisse, malgré les coups reçus de son père, elle ne cède pas sur un point : jamais plus le voile ! C’est l’apprentissage de la résistance. Puis, avec beaucoup de discrétion, elle renoue des contacts, notamment avec un religieux qui va accepter de prendre des risques pour la suivre et lui donner les premiers rudiments d’enseignement chrétien. Il lui répétera souvent la phrase de Jésus « N’ayez pas peur ! »

Elle en a bien besoin car, sournoisement, on vilipende tout ce qui est chrétien : ses parents ne lui épargne aucune attaque pour la déstabiliser. Leila se défend comme elle peut, et réalise que sa famille mène contre elle une persécution en règle, la soupçonnant de continuer à nourrir de la sympathie pour le christianisme. Et elle voue, en effet, une vraie passion à Jésus dont elle est, littéralement, tombée amoureuse ; mais en même temps elle est déchirée par l’affection qu’elle porte aux siens. Comment continuer à leur être semblable après une telle découverte, comment concilier ces deux amours, sans en renier aucun ?

Du reste quand le prêtre lui parle de baptême, pour la première fois, ayant obtenu les éclaircissements désirés, elle a cette réponse : « Moi je sais que j’aime Jésus, mais faut-il que je sois baptisée, je ne sais pas… Est-ce que mon amour va durer ? »

Réalisant que, par le baptême, elle se couperait définitivement des siens. Elle déclare qu’elle n’est pas prête, et demande un temps de réflexion.

Et ce n’est qu’au bout de 5 ans, qu’elle y consent, constatant que son amour pour Jésus n’a pas diminué, mais qu’au contraire, par ses épreuves, il s’est épuré et a augmenté en intensité : elle en conclue qu’elle ne pourra jamais se séparer de lui, dût-elle en perdre la vie. Oui, elle était prête au sacrifice suprême, si telle était la volonté de Dieu, pour rendre témoignage de son amour !

Or le baptême est « impossible, ici, pour une musulmane ! » lui explique-t-on. Mais maintenant qu’elle est prête, sa détermination est totale, quitte à aller au bout du monde. À l’autre bout de la Méditerranée suffirait d’ailleurs, et cependant ce n’est pas du tout facile, dans son cas.


Lorsque le visa est obtenu pour la France, le prêtre lui affirme que c’est un miracle, qu’il n’y croyait pas. Et elle accepte cette interprétation ; ce miracle est donc la volonté de Dieu : « c’est qu’Il préfère que je le serve, vivante, pour témoigner de lui autrement que par le martyre, se dit-elle à elle-même. »

Leila est l’hôte d’une communauté de chrétiens libanais. Le religieux qui en a la charge ne veut pas enfreindre, pour autant, la loi musulmane qui interdit à ses membres, sous peine de condamnation, de changer de religion : il défère sans cesse la date.


Il faudra une transgression pour que son souhait se réalise : elle communie, en l’absence de ce prêtre, le mettant ainsi devant le fait accompli. Puis elle attend son retour, avec une grande anxiété, le sachant capable de courroux mémorables.

Finalement, apprenant sa désobéissance, et après une colère passagère, il l’accueille paternellement dans ses bras grands ouverts, dans lesquels elle se réfugie en pleurant quand elle entend de sa bouche qu’il lui donne l’autorisation d’être baptisée.

« J’étais vêtue de blanc, le 27 novembre 1997, ce jour que j’attendais depuis des années, pour être vraiment accueillie en Christ ! Et le prêtre a fredonné le même chant religieux qui m’avait révélé l’amour de Dieu au Liban. »

Ce chant, qu’elle n’avait plus jamais oublié, avait été composé par lui, elle l’avait su plus tard ; il disait en arabe : LEILAT EL MILAD, ou « la nuit de la naissance ». Et dans LEILAT, il y avait son nom : LEILA.

C’était bien la fin de la nuit et la naissance de Leila, sa nouvelle naissance comme enfant de Dieu : elle n’était plus esclave de Dieu mais fille de Dieu, par Jésus Christ, son Maître et Seigneur, son amour à jamais…